Faire voler un avion avec 100% de carburant alternatif: une illusion ?
Dernière mise à jour : 16 mai
Le caractère polluant de l'aviation est souvent pointé du doigt dans les médias et dans la vie quotidienne. C'est pourquoi le sujet de la décarbonation autour notamment de carburants alternatifs devient majeur autant dans le débat public que chez les géants de l'avion mondiale comme Airbus. L'objectif étant d'obtenir à terme des carburants plus écologiques pour garantir l'avenir de l'aéronautique.

Le 26 avril le Conseil de l'Union européenne et le Parlement européen ont annoncé avoir trouvé un accord préliminaire sur les propositions visant à décarboner le secteur de l'aviation. À partir de 2025, une part minimale de carburants durables pour l’aviation devra être mise à disposition dans tous les aéroports de l’Union.
L'accord vise à accroître tant l'offre que la demande de carburants d'aviation durables (SAF) tout en garantissant des conditions de concurrence équitables sur le marché du transport aérien dans l'Union Européenne.
L'objectif est encore une fois de réduire l’empreinte carbone des vols en remplaçant le kérosène par des alternatives plus propres pour que l'aviation perdure.
Selon l’accord final, le pourcentage de carburant d’aviation durable qui doit être mélangé au kérosène sera fixé à 2 % d’ici 2025, puis il passera à 6 % d’ici 2030, 20 % d’ici 2035, 34 % d’ici 2040 et atteindra 70 % en 2050.
Un sous-objectif spécifique pour les carburants de synthèse dérivés de l’hydrogène vert entrera également en vigueur à partir de 2030. De 1,2 %, il passera à 5 % d’ici 2035, pour atteindre 35 % en 2050.
À partir de 2025, un label européen pour la performance environnementale des vols (écolabel) sera également mis en place. Ce dernier permettra de connaître l’empreinte carbone prévue par passager et les émissions de CO2 prévues au kilomètre.
Les recettes provenant des amendes infligées en cas de non-respect des nouvelles règles seront affectées à la recherche sur la production de formes innovantes de carburants d’aviation durable.
La Commission européenne est également tenue de préparer un rapport d’ici 2027, et ensuite tous les quatre ans, afin d’examiner l’impact du règlement sur le marché des carburants, ainsi que sur la compétitivité et la connectivité du secteur de l’aviation de l’UE.
Nous parlons depuis le début de cet article de carburants alternatifs, durables ou encore appelés carburants de synthèse mais de quoi s'agit t'il concrètement ?
Selon Total énergie,un SAF, en anglais sustainable aviation fuel, est le terme employé par l’industrie aérienne pour décrire un carburant alternatif issu de matières premières durables.
Les carburants aériens durables sont une des solutions immédiatement disponibles pour une réduction significative des émissions de CO2 du transport aérien. Ils peuvent être incorporés sans modification des infrastructures logistiques de stockage et de distribution, des avions, ou des moteurs existants. Leur utilisation progressive à l'échelle mondiale doit permettre de diminuer de façon significative les émissions de CO2 du transport aérien, puisqu’ils permettent 80 % d’émissions de CO2 en moins en moyenne sur l’ensemble de leur cycle de vie lorsqu’ils sont produits à partir de déchets et résidus.
La production de biocarburant aérien durable a lieu au sein d’une bioraffinerie. Le biocarburant aérien durable ainsi produit est acheminé vers un site de stockage dédié puis mélangé à du jet fuel conventionnel, à hauteur de 50% maximum pour devenir du carburant aérien durable, le SAF.
Il existe aussi ce qu'on appelle le co-processing qui consiste à introduire dans les unités d'une raffinerie traditionnelle une charge biosourcée en complément de la charge fossile habituelle. On peut inclure les e-fuels, des carburants synthétiques produits à base d’hydrogène issu idéalement d’électricité renouvelable et de CO2, qui peut être extrait de l’air ambiant ou d’effluents industriels. Ces technologies, pour le moment au stade de la recherche et du développement, restent extrêmement coûteuses mais pourraient devenir une voie particulièrement prometteuse à plus long-terme.
Depuis juin 2021, les clients de Paris-le Bourget peuvent bénéficier de l'offre SAF proposée par Total Energie pour leurs avitaillements.
Celle-ci est également disponible de manière permanente sur le terrain de Clermont-Ferrand et Bordeaux-Mérignac.
Le groupe Airbus a effectué des tests avec de l'huile de friture usagée. Par exemple en mai 2021, Air France a en effet réalisé un vol Paris-Montréal avec 16 % d'huiles de cuisson recyclées. Et selon le chef de projet Julian Manhes les résultats sont plutôt concluants mais besoin de temps pour analyser plus en profondeur et comprendre toutes les subtilités pour que cela soit opérationnel dans le futur.
Info insolite : Les carburants d’aviation durables passent par la production de mascara: dans son usine-pilote de la campagne champenoise, Global Bioenergies mise sur la biomasse et sa « molécule magique » pour décarboner à terme le transport aérien.
L'utilisation de carburants durables est pour le moment la seule alternative viable pour les vols long-courriers.
Pour être plus précis nous pouvons différencier les carburants « durables » et « alternatifs ».
Les carburants dits « alternatifs » dont les carburants produits à partir d'autres sources que le pétrole, comme les huiles et graisses hydrogénées.
Le carburant réellement « durable » est un carburant alternatif qui n'entre pas en concurrence avec la production d'eau et de nourriture, ou entraîne la dégradation de forêts par exemple. Sur l'ensemble de son « cycle de vie », il doit être moins néfaste pour l'environnement que le kérosène. Ils sont fabriqués à partir de déchets alimentaires ou agricoles ou encore grâce à la biomasse ou à partir d'hydrogène et de CO2 capturé dans l'atmosphère.
Des autres initiatives qui permettent de réduire les émissions de CO2 sont déjà mise en place, par exemple à l'aéroport du Bourget. En effet, celui-ci a réussi à diminuer de 8% ces émissions de CO2 grâce à une avancée technologique inédite dans le domaine : toutes les opérations de prise en charge d'un avion au sol ont été effectuées par des appareils électrifiés. L'aéroport prévoit d'atteindre le double de ce chiffre lors de la prochaine étape en septembre, pendant laquelle un routage complet de l'avion sera obtenu avec de l'électrique. L'objectif étant d'atteindre 100% de l'aéroport équipé d'appareils totalement électriques en 2025. Nous pouvons également noter que cette initiative a également été mise en place lors du fameux vol Pairs-Montréal effectué par Air France avec l'huile de cuisson recyclée. On voit bien ici la volonté de décarbonation.
Pour l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) et Marc Cottignies (ingénieur expert chez ADEME) il existe 3 scénarios de décarbonation au niveau du secteur aérien associés à 5 leviers d’action : l’amélioration de l’efficacité énergétique, la baisse de l’intensité carbone de l’énergie consommée, l’augmentation du remplissage des avions, le report modal (choix d’un autre moyen de transport) et la réduction du niveau de trafic.
Le premier scénario mise sur l’ensemble des solutions technologiques, le second repose essentiellement sur une modération du trafic et le recours aux carburants durables, et enfin le troisième combine tous les leviers. Néanmoins, le 2ème scénario semble le plus efficace.
Si ce sujet vous intéresse sachez que le Paris Air Lab consacre sa troisième édition à cette thématique. En effet, les programmes, projets de recherche, ruptures technologiques y seront illustrés dans un parcours passionnant et pédagogique déployé sur un espace de 1000m2 au cœur du Salon du Bourget en juin 2023. Vous y découvrirez les innovations en cours sur les technologies, les opérations aériennes, les sources d’énergies non fossiles, mais également le nouveau visage des filières industrielles qui accompagnent cette mutation.
Vous irez à la rencontre de tout un écosystème international - industriels, chercheurs, énergéticiens- engagé collectivement sur une feuille de route exigeante : moteurs ultrasobres, nouvelles configurations avion et opérations vertes, carburants biosourcés ou synthétiques, hydrogène. Le tout complété par des conférences et des débats par des grands noms du secteur qui révèleront leur visions.
Pour conclure, les carburants alternatifs ont encore du chemin à parcourir avant d’être parfait autant sur le fonctionnement que sur leur production. En effet, l'aviation est un des secteurs les plus difficiles à décarboner car il est très dépendant du kérosène. Il n'est donc pour l'instant pas possible de voler à 100% avec un carburant d'aviation durable. L'actuel défi pour les avionneurs est donc désormais d'injecter 100 % de carburant durable dans les moteurs d'un avion d'ici quelques années.
Cette vidéo proposée par Airbus permet de résumer de façon simple et rapide le sujet :
Source : Airbus Press