Fusion de Korean Air et Asiana : la Commission européenne s'inquiète
Korean Air et Asiana, les deux plus grandes compagnies aériennes sud-coréennes, veulent fusionner, ce qui inquiète la Commission européenne, craignant la création d'une hégémonie.

Photo : Alan Wilson (flickr Creative Commons)
En novembre 2020, le gouvernement sud-coréen annonce officiellement que Korean Air rachètera Asiana Airlines, son principal rival (et compatriote) : un rachat de 64% des parts d'Asiana pour la maudite somme de 1,6 milliard de dollars. Une telle entreprise ferait de la future et élargie Korean Air la dixième compagnie aérienne au monde en matière de passagers transportés. D'après le Commission européenne, « ensemble, [Korean Air et Asiana] seraient de loin les plus grands transporteurs de passagers et de marchandises sur [les] liaisons [Corée du Sud-Europe] [...]. »
Mais pour qu'une telle fusion se concrétise, au vu des opérations inter- et transnationales conduites par les deux sœurs coréennes, les autorités du monde entier doivent se prononcer. Par ordre chronologique, la Turquie (le 4 février 2021), la Thaïlande (le 31 mai 2021), Taïwan (le 1er juin 2021), les Philippines (le 1er juin 2021), la Malaisie (le 9 septembre 2021), Singapour (le 9 février 2022), l'Australie (le 1er septembre 2022), le Vietnam (le 16 novembre 2022), la Chine (le 26 décembre 2022), la Corée du Sud (le 26 décembre 2022) et le Royaume-Uni (le 1er mars 2023) ont toutes et tous donné leur approbation quant à la fusion, parfois sous conditions.
Le Japon, les États-Unis et la Commission européenne n'ont toujours pas donné leur accord. Et pour cause, des problèmes de compétitivité et d'hégémonie se posent. En effet, le quotidien coréen Korea JoongAng Daily estime que, concernant les conséquences de la fusion sur le marché américain, puisque la rachat d'Asiana par Korean Air se fera en faveur de cette dernière (qui fait partie du réseau SkyTeam), tous les vols, passagers et parts de marché d'Asiana seront re-transférés du réseau Star Alliance au réseau SkyTeam, donnant donc l'avantage à Delta Airlines (autre membre SkyTeam) aux dépens de United Airlines (Star Alliance). SkyTeam pourrait « trop » bénéficier de la fusion tandis que Star Alliance serait la grande perdante. Le Département de la Justice des États-Unis n'exclut pas d'entamer une action en justice afin d'empêcher la fusion aux conséquences déséquilibrantes, à l'image de l'interruption de la fusion de JetBlue et Spirit Airlines.
La Commission européenne cite des conséquences similaires pour son marché. Dans une communication des griefs à Korean Air au sujet du projet d'acquisition d'Asiana, la Commission « craint que l'opération ne réduise la concurrence dans le domaine de la fourniture de services de transport de passagers sur quatre liaisons entre la Corée du Sud et la France, l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne ainsi que ne réduise la concurrence dans le domaine de la fourniture de services de transport de marchandises entre toute l'Europe et la Corée du Sud. » La fusion, expose le communiqué, « pourrait donc entraîner une hausse des prix ou une baisse de la qualité des services de transport aérien de passagers et de marchandises. »
Par exemple, les rotations de vols de passagers entre Francfort (FRA) et Séoul (ICN) sont exécutées par trois compagnies aériennes : Korean Air (SkyTeam), Lufthansa (Star Alliance) et Asiana (Star Alliance), qui proposent toutes un service journalier en partance et à destination des deux villes, d'après Flightsfrom.com. L'acquisition d'Asiana par Korean Air pourrait donner l'avantage à cette dernière, dans la mesure où elle récupérerait les créneaux aéroportuaires d'Asiana, doublant ainsi ses fréquences et laissant Lufthansa (et la Star Alliance) impuissantes. Si nous nous plaçons dans le cadre de liaisons entre Paris CDG et Séoul ICN, la fusion pourrait être très profitable (selon un point de vue pro-SkyTeam), dans la mesure où SkyTeam aurait le monopole de la desserte, puisque seules Air France et Korean Air se partageraient le marché, bien que la compagnie française puisse finir avec des fréquences bien moindres et une part de marché bien inférieure.
Affaire à suivre, donc, puisque il s'agit en réalité d'un avis préliminaire de la Commission européenne...
Sources : Korean Air, Commission européenne, Korea JoongAng Daily, Yonhap News Agency, Flightsfrom.com, Simple Flying et Korea Economic Institute